De quoi parler en famille autour de la table des festivités, en cette fin d’année ? Nous nous sommes posé la question, ce vendredi 15 décembre, lors de la dernière rencontre de notre groupe FC&D pour 2023.
Une nouvelle participante partait en province chez son fils, qui avait voulu rassembler parents, frères et soeurs, après 15 années sans se voir. « Je me demande bien de quoi on va parler », s’interroge notre compagne. - Ma fille a dit : « Je ferai attention à ne pas aborder de sujets qui fâchent » . Mais on ne va pas parler que de la pluie ou du beau temps tout de même ! »
Il est vrai que nous vivons à une époque où les positionnements jusqu’ au sein d’une même famille sont si exacerbés qu’il devient difficile pour une maîtresse de maison de ne pas redouter que les esprits s’enflamment sur un sujet ou un autre. Et qu’un repas de famille tourne mal ...
Comment donc se préparer pour les festivités prochaines, en esprit tout autant qu'à travers le choix des menus et autres gâteries ? Qu’est-ce qui donnera du plaisir et de la valeur à nos moments ensemble ? Comment aimerions-nous que chacun reparte ?
La précieuse pratique de l’écoute intérieure dans le silence a été évoquée. Se laisser habiter par une autre sagesse, une créativité, une sensibilité qui, sans prétendre résoudre toutes les tensions ou les conflits, pourrait nous indiquer quelques ingrédients utiles pour la réussite des retrouvailles : un accueil sans condition, l’acceptation d’une divergence, une écoute un peu plus profonde … sans jugement.
Oui, le mot jugement a été relevé. « Je juge tout le temps » a dit l’une de nous, dans un élan d’honnêteté touchant. « On juge comme on respire! », a dit une autre. L’humour était au rendez-vous ! Sans renier le fait que la capacité de juger était utile dans la vie, on s’est mise d’accord sur le fait que nos jugements pesaient lourd parfois dans certains conflits. Aussi lourd que les questions d’argent, de positionnements politiques, les relations de domination, les méfiances, les désaccords dans la gestion d’intérêts partagés.
Mais « Dans les conflits comment communiquer quand même ? » : c’était le thème du jour.
Nous avions encore du chemin à faire pour résoudre les conflits divers qui obscurcissent nos vies. « Finalement l’état du monde aujourd’hui reflète ce que nous sommes tous au niveau personnel » a dit l' une.
Une autre a partagé la pression constante qu’elle ressentait sous l’effet de l’accumulation des messages sur whatsapp en lien avec la situation au Proche Orient ; chacun, chacune selon sa culture dénonçant les comportements des côtés qui n’ont pas ses faveurs. Jusqu’au jour où un ami lui a dit : « Mais, après la seconde guerre mondiale, vous avez réussi à vivre la réconciliation franco-allemande, avec ensuite une construction européenne, c’est pour cela qu’on a une telle attente de vous, les démocraties européennes ! » Et cela avait fait basculer sa vision des choses. D’un sentiment de condamnation elle était passée à un sentiment d’appel à construire ensemble l’avenir.
Mais, de manière inattendue, le partage de cette expérience a fait remonter des souvenirs chez la doyenne de notre petit groupe, âgée de 90 ans : « Moi, j’ai toujours de la rancoeur vis à vis des Allemands. Je n’oublierai jamais le bruit de leurs bottes sur le pavé de nos rues. Et puis les masques à gaz qu’il fallait mettre, j’avais 10 ans. Et puis l’Exode. » « On ne peut pas oublier mais peut-on pardonner ? », a demandé sa voisine.
« La France n’a toujours pas demandé pardon à mon pays pour ce qu’elle a fait pendant la colonisation », a lancé alors l’une de nos compagnes. « N’y a-t-il eu que des méfaits dans cette colonisation ? » a rétorqué celle en face d’elle, dont des proches avaient construit des routes, enseigné ou soigné dans ces temps lointains en Afrique.
Nous ne pouvons pas accélérer le temps long de l’Histoire mais combien était déjà parlant le sourire de la première quand, au terme de la réunion, la seconde lui a dit « A ton contact j’ai eu envie de dépasser des préjugés et j’ai commencé une formation sur l’Islam."
Pour 2024, il a été proposé de regarder ensemble dans les mois à venir le film « Pour l’Amour de demain » qui raconte comment sur les ruines de la seconde guerre mondiale une française a décidé de tendre la main aux Allemands pour reconstruire l’Europe.
NC